My Week With Marilyn, de Simon Curtis.

C’est tout simplement merveilleux. Merveilleux comme les histoires d’enfants qui sont faites pour se sentir grandir, merveilleux comme le Cinéma.

J’avais une hésitation, une appréhension devant ce visage qui n’égale pas en beauté, en finesse, celui de Monroe. Mais comme elle est belle et touchante, Michelle Williams! Comme elle est totalement vraisemblable dans ce rôle, intégrant tout ce que l’on sait, tout ce qui a été écrit depuis, sur Marilyn Monroe.

C’est d’abord, sur le terrain britannique, l’histoire d’un film dans lequel se heurtent à la fois deux stars à l’ego surdimensionné – Marilyn Monroe et Laurence Olivier –, chacun avec ses références: le théâtre pour Olivier, le cinéma exclusivement pour Marilyn, adepte de la méthode Stanislavski, très cultivée par les acteurs américains. Vivien Leigh, la femme de Laurence Olivier, fait plusieurs apparitions, elle dont on sait qu’elle sera détruite par ses rôles (Un tramway nommé désir! Le film de Kazan tourné en 1951, auquel il est fait allusion, justement, pour dire qu’elle s’est laissée entraîner dans la méthode Stanislavski, cultivée par Marlon Brando…), par les infidélités de son mari, par l’alcool, et dont la fragilité n’apparaît pas ici où elle pose avec brio un personnage social. Mais comme elle évoque déjà le vieillissement qui la touche et a déjà commencé de la démolir…!

C’est aussi le début du mariage de Marilyn Monroe avec Henri Miller, qui va durer de 1956 à 1961, mais qui apporte déjà la fragilité et le doute à Monroe. Ce sera pourtant son plus long mariage, le dernier. Elle se suicidera après, six ans plus tard, en 1962.

Et puis c’est si drôle de voir Kenneth Branagh, moins élégant que Laurence Olivier mais tout aussi puissant, exigeant, déçu par cette star sexy et jeune sur laquelle il pensait prendre le pouvoir – et il se raccroche alors aux vers magnifiques de Shakespeare – , se retrouver dans une impasse face au personnage hyper-fragile et tout à la fois tyrannique de Marilyn Monroe: ses retards célèbres sur les plateaux, le doute omniprésent qui la saisit, davantage peut-être lorsqu’autour d’elle le monde l’épuise de son admiration. Il est évident qu’aucun des témoignages incessants de déférence ne pourra jamais combler la demande affective dans laquelle elle se trouve, et qu’elle nourrit, pour trouver l’énergie de jouer, par de courtes aventures, peu sexuelles sans doute, des crushes qui nourrissent son besoin sans fond de légitimité. C’est ainsi qu’elle est une croqueuse d’hommes.

Il y a l’auteur des mémoires dont ce film est tiré, Colin Clark, alors tout jeune aristocrate britannique qui voulait à tout prix entrer dans le monde du cinéma, du rêve, du merveilleux – quelque chose de l’enfance dont il est encore proche. Eddie Redmayne fait merveille, son visage serein et ouvert à la lumière. Sa fraîcheur et son honnêteté (ainsi que sa fascination) attirent Monroe, qui utilise l’énergie qu’il lui donne pour entrer dans un rôle qui lui semble incommensurablement difficile. « Es tu de mon côté? », demande-t-elle dès l’abord. Elle a besoin d’un soutien inconditionnel, qu’il lui donne, et qui lui permet, à elle, de se donner à son rôle. Connaissant les enjeux d’école qui ont cours en fond de cette histoire, on comprend pourtant tout son sens à la fin, lorsqu’elle répète cette phrase, sachant que le jeune Colin Clark se moque éperdument de Stanislavski et ne voie que le merveilleux du cinéma. Lui, il est du côté de la création, de la magie. C’est cela, le camp de Marilyn, sa manière toute personnelle, instinctive, sans égale, de créer la magie.

Il y a la fraîcheur de Marilyn, lorsqu’elle sollicite cet appui sans limite, sa joie lorsque la foule la reconnaît et vient à elle, à laquelle succède très vite sa peur devant la foule pressante et oppressante. Le don qu’elle fait de soi, sans fard, aussi dans les moments les plus intimes. Sa coquinerie de star, et puis son honnêteté, sa sincérité. Le film est bienveillant, comme l’est sans doute le texte de Colin Clark, qui comprit de l’intérieur le besoin de la comédienne d’être soutenue – comme pour chacun de ses rôles.Une star jouissant d’être une star, mais en manque d’être reconnue comme une comédienne.

Mais que d’analyses laborieuses ne fais-je donc pas, pour un film tout simplement léger, drôle et magique, rigoureux dans ses références et solide pour l’émerveillement cinématographique qu’il apporte.

Il y a la drôlerie de Marilyn, qui provenait d’un travail et d’une douleur inimaginable. Celle de nombreux acteurs, en réalité, mais Marilyn, avec son visage touché par toute émotion, sa sensibilité et sa vulnérabilité profondes, sa lutte aussi pour surpasser tout cela, est sans égale pour symboliser la douleur de la création.

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